Alex Golino : hommage à Hank Mobley

par Philippe Desmond, photos Thierry Dubuc.

La Belle Lurette, Saint-Macaire le 22 octobre 2016.

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Il y a bien longtemps que je n’étais pas allé à la Belle Lurette la bien nommée. Exactement depuis le 30 avril dernier pour l’International Jazz Day ; et oui en Anglais dans le texte, Saint-Macaire n’a t-elle pas été sous protectorat anglais au Moyen-Age !

Après un break cet été le Collectif Caravan a donc repris ses activités en association avec cet endroit depuis le début de l’automne et ça nous manquait. La première jam, début octobre – chaque premier dimanche du mois de 17 heures à 19 heures – a ouvert la saison de jazz et d’autres concerts, de rock ou de chanson française ont déjà eu lieu. Pierre et Sylvain qui ont repris l’établissement en 2011 sont de grands amateurs de musique et bien heureusement nous font partager leur passion (lire la Gazette Bleue #17).

Ce soir l’invité est Alex Golino, le saxophoniste ténor Italo-Gréco-Bordelais, un invité de marque tellement son talent est grand. La formation avec qui il joue est le trio habituel composé de Thomas Bercy au piano, Jonathan Hédeline à la contrebasse et un « petit nouveau », Alban Mourgues aux baguettes. Ce dernier, longtemps élève du maître de la batterie Charles « Lolo » Bellonzi, fait partie des batteurs qui montent qui montent et c’est une chance de le voir souvent désormais dans le coin, lui qui n’habite pas la région mais Poitiers. Ah oui au fait Poitiers c’est la Région maintenant !

Mai ce soir la vedette c’est Alex Golino qui a décidé de rendre hommage à un de ses collègues saxophonistes, pas forcément celui dont le nom vous vient de suite en tête, mais qui a pourtant laissé une belle trace en tant que leader (une trentaine d’albums) ou comme sideman (Jazz Messengers, Donald Byrd, Miles Davis, Dizzie Gillespie…) ; il s’agit d’Hank Mobley, compositeur très prolixe dans les années 50-60. Alex joue justement dans ce même registre, c’est un bopper, un hard bopper mais tout comme Hank, il excelle en Bossa Nova.

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« A Baptist Beat », un Gospel, lance la soirée, avec de suite swing et chaleur. Alex démarre dans les graves d’un son moelleux et chaud, le ton est donné il va se lâcher. Car Alex ténor au velouté élégant n’est pas du genre à se mettre en avant et ce soir ça va vraiment faire plaisir de l’écouter totalement libéré. « Recado Bossa Nova » très mélodieux commence classiquement jusqu’au chorus de Thomas Bercy qui le fait exploser. Diabolique, infernal Thomas Bercy comme va le qualifier Alex lors des présentations. Je n’ai pas vérifié mais je doute qu’il n’ait que dix doigts…

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Jonathan fait chanter, voire même danser, sa contrebasse, ce qui n’est jamais une mince affaire et on découvre Alban au drumming complet et inspiré . Dans la ballade suivante « Darn That Dream » il se fait tout en discrétion et légèreté tout comme ses deux collègues alors qu’Alex nous caresse voluptueusement de son sax. Un régal.

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La Belle Lurette est pleine à craquer, toutes générations confondues avec même des enfants en bas âge, la bonne humeur est palpable, un vrai club de jazz, animé, vivant, à l’écoute, ou pas, on s’y sent bien.

Quelques mots sur la magnifique exposition des dessins de Cyril Pi-R représentant des portraits de musiciens célèbres ; elle est visible à la Belle Lurette jusqu’au 5 décembre.

Le plus dynamique « The Morning After » nous prouve qu’Alex Golino est du matin car il s’y fait très volubile ; Jonathan nous la fait presque guitar hero soutenu par le chabada d’Alban avant que le pianiste fou ne nous éclabousse de notes bleues. « The Morning After » on peut parfois être déçu… mais pas cette fois, quel bonheur !

« Avila and Tequila » nous montre l’étendue du registre d’Hank Mobley, ce hard bop mélodieux et dynamique caractéristique de cette époque.

La pause est bienvenue, il règne une chaleur tropicale dans le bar et les musiciens ont déjà bien travaillé. La sono bar diffuse le « Funky Blues » de Charlie Parker, on est entre de bonnes mains. C’est l’occasion de faire connaissance avec Alban qui n’est pas là par hasard ayant maintes fois joué avec Thomas Bercy, et même avec Alex. Alors que parfois certains se plaignent que le jazz sommeille à Bordeaux, Alban nous remet les idées en place en parlant du désert musical de Poitiers…

 

Hank Mobley a collaboré avec Miles notamment sur le premier thème du second set « One Day My Prince Will Come » que les enfants présents n’ont pas forcément identifié comme étant issu de « Blanche Neige ». Belle version.

« Funk and Deep Freeze », « Chain Reaction » nous propulsent gaiement vers la fin du concert. Gros swing pour le rappel, certaines dansent, les chorus continuent, on y passerait la nuit. Alex Golino a fait plus qu’honneur à son invitation, bien mis en avant ce soir il a pu faire admirer toute sa palette et pour sûr qu’on le reverra dans les parages. Pour couronner cette belle soirée j’ai même la chance de débriefer le concert avec lui en le ramenant à Bordeaux car il était venu ici non avec le A train mais le 17h52.

Epilogue : cette fin de semaine est un très spéciale pour Jonathan Hédeline qui après cinq ans et de multiples démarches vient d’obtenir son statut d’intermittent. Ses collègues lui ont offert pour l’occasion sa photo prise par Alain Pelletier  et qui faisait partie de la magnifique exposition des photographes d’Action Jazz au printemps ici à Saint Macaire. Pas peu fier Jonathan !

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Un autre monde à la Comoedia 2/2

Par Fatiha Berrak, Photos Thierry Dubuc

Théâtre le Comoedia à Marmande, le samedi 15 Octobre 2016

Gerardo Jerez Le Cam

Gerardo Jerez Le Cam – piano et composition

Iacob Maciuca – violon

Manu Comté – bandonéon

Mihai Trestian – cimbalom

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Voici une entrée plutôt rythmée, métissée à prédominance caribéenne, nous surfons tous volontaires sur la vague qui nous entraine dans son élan pour nous retrouver curieusement quelque part en Argentine plongés dans un souvenir d’enfance de Gerardo Jerez Le Cam. Il est question d’une étrange histoire qui découle d’un grimoire des us et coutumes de son pays natal comme il en existe partout ailleurs, là où les croyances restent bien ancrées. Une histoire de sortilège et de pauvre chat sacrifié autour de minuit ce qui à l’époque le terrifia. Boo !!! Un souvenir, qui va lui inspirer une composition musicale supplémentaire … Décidément rien ne se perd !

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Il y aura aussi cette très belle balade avec ses suspens et impromptus où se mêlent toutes sortes d’émotions. Celles de la drôlerie à la douleur, de la douceur à la folie ou celles d’une course qui n’en finit pas et qui pourtant s’arrête pour s’étendre un moment dans les hautes herbes d’une prairie baignée de vent, de soleil, de flottements et de clapotis. C’est l’histoire des humains et tous leurs liens savamment cousus et décousus et inversement …

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Il y a également ce passage où le temps se suspend sur le thème universel de la solitude au rythme d’un bandonéon qui vire, chavire et se traine. Il nous parle à voix basse, se tait presque puis repart d’un pas lent, pas triste mais plein de tendresse, il tend ses bras nonchalants revient s’assoir le regard poignant tourné vers le lointain d’un jour qui s’éteint …Solo de Manu Comté, accordéoniste, compositeur de musiques originales et réalisateur ou arrangeur pour le cinéma, voici des touches qu’il maitrise aussi.

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Plus loin, c’est le violon qui crée un pont et qu’il empreinte sur un rythme yiddish pour venir rejoindre de ce coté de la rive, le piano, le bandonéon et le cimbalom qui l’attendent, coeurs unis pour une virée d’abord nostalgique, indécise puis emballée, passionnée, dans la fougue et la joie. C’est la jeunesse qui court et soudain voilà que le temps rattrape tout et tous … Même si la fugue reste permise !

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Il y a ici une résonance musicale aux couleurs chaudes et sombres d’où les traditionnelles argentines, roumaines et moldaves sortent de l’ombre pour se conter en gouttes et en flots de notes chamarrées …

 

Nicolas Folmer 

Nicolas Folmer – Trompette

Julien Herné – basse

Olivier Louvel – guitare

Maxime Zampieri – batterie

Laurent Coulondre – keyboards

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Après une pause, nous voilà propulsés dans une ambiance qui attrape la lumière et la fait tourner dans tous les coins de la scène avant d’inonder la Comoedia d’une clarté musicale vivifiante comme un courant d’air inattendu et réjouissant.

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C’est bien lui Nicolas Folmer, trompettiste de jazz à l’inspiration musicale large, qui va de la sonorité latine au jazz funk. Un magnifique musicien qui est sollicité par de nombreuses personnalités de l’univers du jazz, tels que Diana Krall, Richard Galliano, Dee Dee Bridgewater entre autres qu’il a accompagnée pendant 3 ans. A ses débuts il rencontre Wynton Marsalis qui lui inspire son orientation jazz et avec qui il eu l’occasion de jouer au Festival Jazz in Marciac quelques années plus tard. Nous ne sommes pas à Jéricho, mais à Marmande ce soir, pour une trompette qui nous dit les beaux jours par n’importe quelle saison.

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Quand à Julien Herné, Olivier Louvel, Maxime Zampieri et Laurent Coulondre, ils ont donné toutes leurs couleurs au bouquet de cette très belle formation. Bravo pour la disponibilité et la sympathie de tous ces artistes parce qu’ils sèment ce qu’ils sont pour que l’on s’aime tels que nous sommes dans notre différence.

 

Monique Thomas Quartet « C’est si bon »

par Philippe Desmond, photos Irène Piarou.

Centre culturel de Créon, jeudi 20 octobre 2016.dsc00413

Il en va des habitudes comme du reste ; il y en a souvent de mauvaises mais heureusement il y en a de bonnes. Les « jeudis du jazz » de Créon d’après vous font partie desquelles ? Bien sûr des secondes et cela depuis maintenant huit saisons. Toujours le dernier jeudi avant les vacances scolaires… sauf cette année avec ce calendrier insolite où elles ont commencée un mercredi. Mais ce léger dérèglement n’aura pas suffi aux deux cent cinquante personnes présentes de rater ce rendez-vous.

Larural, l’association qui pilote de main de maître ces soirées n’est pas allée bien loin pour programmer cette première session de la saison. Elle a certes été chercher une chanteuse américaine mais à deux rues d’ici, la désormais Créonnaise – depuis 2005 – Monique Thomas. Pour l’accompagner, et bien plus encore, le batteur Didier Ottaviani son mari à la ville, Hervé Saint-Guirons à l’orgue et Yann Pénichou à la guitare.

Le principe de la soirée est toujours le même, ouverture des portes à 19 heures, dégustation de vin – ce soir les vignobles Desages à Baron – assiette garnie, pâtisserie, et à 20 heures jazz !

Carlina Cavadore et Serge Moulinier présentent le spectacle et la saison qui s’annonce, les lumières s’éteignent et comme à chaque fois ici le miracle se produit. Une salle animée, bruyante jusque là devient la plus attentive qui soit, avec une écoute exceptionnelle. Les musiciens apprécient vraiment.

Nous ne le savons pas encore mais nous allons assister à un concert exceptionnel mené de main de maîtresse par une époustouflante Monique Thomas. Non seulement elle chante merveilleusement mais elle a une présence scénique étonnante, capable de passer des émotions dans son chant tout en assurant les transitions avec un humour et une fantaisie remarquables. Une aisance incroyable, de la puissance, des nuances, des graves aux suraigus, aucune esbroufe, aucun procédé, un talent pur… et certainement beaucoup de travail !

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Monique est américaine donc, élevée au Gospel à Philadelphie. Messe obligatoire chaque dimanche, un peu contrainte et forcée, mais contrairement à chez nous où l’ambiance y est souvent mortifère, rythmée par ces chants et rythmes qui ne peuvent vous laisser de marbre et parlent à vos émotions, croyants ou pas. C’est de cela dont elle va tirer cette envie de chanter pour notre plus grand bénéfice ce soir.

Monique a décidé de nous faire un tour d’horizon du jazz, du Gospel au New Orleans et bien d’autres aspects. Départ en trombe avec un premier titre dynamique où transparaît déjà l’aisance de la chanteuse et la maîtrise des musiciens. L’orgue sonne très bien, déjà un chorus d’Hervé pour s’en persuader, la guitare de Yann est chantante et Didier se joue de sa batterie avec sa finesse habituelle. Ça devrait bien se passer.

Assez vite Monique attaque un Gospel commencé a cappella, puis rejointe par le trio et les battements de mains du public. Ce public elle va l’embarquer avec elle toute la soirée, le sollicitant, le faisant chanter, taper dans les mains comme dans le traditionnel « Sea Lion Woman » ou « See Line Woman » repris par Nina Simone, mais aussi en lui donnant le frisson comme dans cette déchirante version de « Strange Fruit » chantée dans un silence de cathédrale, quelques larmes coulant sur les joues de certains, dont les miennes. Il faut dire que les étranges fruits en question ne sont autres que des pendus, des esclaves noirs, un témoignage d’une autre époque que certains, lors des élections américaines qui se profilent, aimeraient voir revivre… Monique l’Américaine passe aussi un message politique, plus précisément humaniste.

Mais aussi Monique la Créonnaise qui exprime avec humour sa joie de vivre ici et de se produire devant ce public local. Public qu’elle va gâter avec par exemple ce très bel arrangement de « Cheek to Cheek » et ses variations de rumba, avec le classique « Moanin’ » d’Art Blakey sur lequel elle va scatter superbement, le trio étalant lui tout son talent. Répertoire éclectique avec aussi le langoureux « Tight » de Betty Carter, « Look for the Silver Lining » message d’espoir, « Basin Street Blues » où Monique nous fait vocalement le solo de trompette de Louis, « Let my People Go » avec au passage un message contre le racisme, le sexisme, l’oppression…

Une leçon de chant, de swing, mais aussi de l’émotion et du contenu, loin d’un récital sans saveur, avec des musiciens que nous connaissons par cœur à Action Jazz mais qui nous ont encore épatés ce soir. Ils étaient pourtant un peu inquiets car même si les titres étaient des standards, c’était la première fois qu’ils les jouaient dans cette configuration et avec ces arrangements.

Final de « second line » Irène et Alain Piarou, habitués de NO, ayant des fourmis dans les jambes ; « là-bas pour ce genre de morceau tout le monde se lève et défile en faisant tourner les serviettes » précise Irène. En France aussi on fait tourner les serviettes mais pas là-dessus…

Salut et rappel enthousiaste du public qui se voit offrir une merveille de « C’est si bon » Monique, en bon professeur qu’elle est, guidant le chant de tous. Un bonheur.

Ce soir il fallait être à Créon, le feeling du jazz y était présent. Prochain rendez-vous le jeudi 15 décembre avec le Tri Nations trio.

http://www.moniquethomasmusic.com/

Un autre monde à la Comoedia (1/2)

Par Fatiha Berrak, photos Thierry Dubuc

Théâtre le Comoedia à Marmande, le vendredi 14 Octobre 2016

C’est du 07 au 16 Octobre 2016 que se déroule ce très beau festival Jazz & Garonne, dont cette année est la 6éme édition. Elle est bien sûr orchestrée par Eric Séva, qui soutient l’esprit du rêve réalisé, d’un lieu où se retrouvent, se partagent et se croisent tous les courants musicaux, pour créer un autre monde ailleurs, oui cet ailleurs qui donne naissance au gré des rencontres, à une éclosion créative qui enrichit nos papilles gustatives sonores, cette quête sans cesse en mouvement naturel. Puisque nul ne peut empêcher les vagues de se renouveler, alors laissons toutes les notes s’exprimer et s’élever pour venir désaltérer cette soif impérieuse et éternelle de « l’âme de fond ».

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Vendredi soir en première partie, nous avons eu le privilège de découvrir une très belle artiste Japonaise, Mieko Miyazaki qui maitrise l’art du chant et du koto, instrument traditionnel, sorte de cithare à 13 cordes tendues sur une longue caisse de résonance en bois. Ses sonorités se déclinent entre la harpe et le piano selon le toucher. Mieko Miyazaki possède aussi une formation de musique occidentale.

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Son binôme du soir était l’alsacien Franck Wolf aux saxophones ténor et soprano. L’harmonie et la mélodie sont leurs traits d’union, du jazz à la musique traditionnelle, allez le croire il n’y a qu’un pas et cela fut fait et du reste très bien fait ! Le tout teinté de beaucoup d’humour … Oui mais pas que cela, puisque de cette union musicale est né un album qui porte le nom de Dankin.

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En deuxième partie de soirée, Eric Séva accueille la classe de jazz de 3ème du collège Eléonore de Provence de Monségur. En tout, une vingtaine d’élèves très sages, déjà ou encore, qui sait ? Chacun tient sa place et retient son rôle dans le big-band, même si l’on devine de-ci de-là quelques signes à peine perceptibles de stress passager. Soudain les voilà lancés comme les doigts d’une main, parmi lesquels se lève le pouce, pour dire bravo !

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Le premier titre s’intitule Les couleurs de l’un de Eric Séva avec un arrangement pour les élèves. Il y sera également interprété  Nica’s Dream de Horace Silver, Whisper not de Benny Golson et The Preacher de Horace Silver. Il y aura eu un temps de mise en avant pour chacun et pour chacun d’entre eux cela aura compté beaucoup. Daniel Zimmermann, Eric Séva et son père Bernard les rejoindront pour le final.

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Après ce moment de partage, Eric Séva au sax, nous a interprété quelques pistes de son dernier album Nomade Sonore qui nous laissera enchanté de ses voyages immobiles aux couleurs d’un monde que l’on souhaite tous. Il rend hommage à Cabu qui était un amoureux du jazz ainsi qu’à tous ceux qui dans l’ombre ou la lumière oeuvrent en faveur de la paix, dans leurs actes jour après jour et cela fait un bien fou ! Avec Daniel Zimmermann – trombone, Bruno Schorp – basse, Matthieu Chazarenc – batterie.

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Il est minuit et demi, alors que dehors la pleine lune trône et balaie l’obscurité tout semble céder place au repos et à la sérénité …

Sophie Bourgeois et Affinity au Caillou

par Philippe Desmond.

Vendredi 14 octobre 2016

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Allô Philippe, avec ma femme on aimerait bien aller au restaurant et découvrir du jazz, tu as quelque chose à nous proposer ? Bien sûr, rejoignez moi au Caillou car je ne veux pas manquer le concert d’aujourd’hui.

L’été, indien ou pas, est vraiment fini et en cet automne le Caillou s’est replié dans ses quartiers d’hiver ; pourtant ce soir c’est le printemps pour Sophie Bourgeois. L’éclosion d’un album « This is New » en est le principal signal (chronique du CD et portrait dans la prochaine Gazette Bleue de novembre). Elle n’a d’ailleurs jamais chanté ici car il faut constater que ses prestations sont trop rares. En attendant de restituer l’album avec le trio de l’enregistrement, Sophie se produit ce soir avec Affinity, ses amis de toujours, Francis Fontès au piano, Dominique Bonadei à la basse électrique et Philippe Valentine à la batterie. Ils ont « l’habitude » depuis longtemps de jouer ensemble même s’il faut être attentif pour ne pas les rater.

Dans sa petite robe noire très rive gauche Sophie va de suite entrer dans le vif du sujet avec « I’ve Got the World on a String », rien à voir avec une quelconque conquête du monde grâce avec la petite pièce de lingerie féminine, ce que ses compères taquins voudraient laisser entendre, nous précise t-elle avec humour. Sa voix est haute, de suite bien en place et on sent déjà son plaisir de chanter. « All of You » et « Just One of Those Things » de Cole Porter ensuite pour cette grande amatrice de comédies musicales américaines. On sent Sophie libérée, heureuse de chanter et en plus le trio lui ouvre la route merveilleusement.

Le piano droit du Caillou – un Yamaha numérique « pas mal pour un piano électrique » selon son pilote du soir très exigeant en la matière et ne jurant que par les vrais – est tout neuf et Francis Fontès lui impose un rodage plus qu’accéléré ; toujours remarquable le Doc, quand on pense qu’il prend encore des cours… Dominique Bonadei et sa belle basse 5 cordes, ça tombe bien une par doigt, maintient le cap avec brio, faisant oublier aux puristes qu’il ne joue pas de la contrebasse. Quant à Philippe Valentine il habille le tout de ses baguettes ou de ses balais, en nuances ou en puissance mais sans jamais marcher sur les pieds de Sophie. Une affaire qui tourne bien rond.

Voilà « The Man I Love » la merveille de Gershwin un autre des auteurs de prédilection de la chanteuse, la plainte de Lady Day « Fine and Mellow », la ballade blues « Angel Eyes » immortalisée par Ella, et Sophie radieuse et souriante qui commence à scatter. Les swinguants « Lullaby of Birdland » et « I Don’t Mean a Thing » pour atteindre la pause et déjà un beau succès.

Mes amis sont ravis et moi rassuré, toujours délicat de conseiller des néophytes.

Changement d’atmosphère avec l’indémodable « One Note Samba » de Jobim et une bien jolie « Javanaise » très raccord avec sa robe à la  Gréco, suivie du « Jardin d’Hiver » de Monsieur Henri. Et oui Sophie chante même le jazz en Français ce qui n’est finalement pas si courant. Car il est bien question de jazz, la chanteuse apportant ses touches de scats et s’effaçant souvent derrière son trio de luxe qui nous propose des envolées superbes. « I Got Rythm » pour – presque – finir et en rappel Sophie nous ramène prestement à la maison en « Caravan » le véhicule de prédilection des amateurs de jazz depuis que Duke l’a sortie du garage en 1936.

Belle soirée encore chez nos amis du Caillou et grâce à Sophie Bourgeois qui prend un nouveau départ avec un plaisir manifeste. Sur plusieurs titres elle s’est mise vraiment en danger, commençant notamment un titre pas des vocalises a capella, ou se lançant avec succès dans des improvisations. On espère avoir très vite d’autres occasions d’entendre cette belle chanteuse.

Quant à mes amis ils le resteront et ils reviendront ! Merci Sophie et Affinity.

Tingvall Trio, Rocher de Palmer le14/10/16

Par Annie Robert, photos Christian Coulais

Tingvall Trio : Voyage dans l’International Express !!!
Un pianiste suédois, Martin Tingvall , un contrebassiste cubain, Omar Rodriguez Calvo, un batteur allemand, Jürgen Spiegel, le tout basé à Hambourg. Ouh là … Qu’est ce que c’est donc que ce trio méli-mélo, ce mélange incongru, cet attelage pas très conforme, cette arlequinade colorée que nous propose le Rocher ? On dirait un catalogue d’agence de voyage. Ou bien un compromis culturel pour alter mondialistes répondraient les fâcheux qui envahissent le monde…

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La soirée va nous montrer que ces trois musiciens sont bien au-delà d’un simple assemblage d’influences: leur musique est une invitation  à la découverte, au périple, à l’émotion partagée, la preuve que l’on peut être divers et ensemble. Même pas peur !! Grimpons dans l’International Express, et écoutons défiler les paysages sonores et les climats, les éclats, les grondements, les surprises et les peurs. Les rails crissent, les mains s’agitent, on démarre en absorbant le petit jour. Des compositions profondes alternent avec des titres survoltés et d’autres plus sombres. Ils mêlent des morceaux de leur nouvel opus intitulé «  Beat » avec d’autres plus anciens «  Sévilla » «  Crazy duck » ou « Mustach » mais  leur style reste permanent : des mélodies ciselées, parfois lyriques, des progressions rythmiques démultipliées par la puissance de la batterie et la pulsation de la basse, du jeu en accord et une vraie place pour chaque musicien.
Tingvall Trio c’est le jazz des grands espaces et des chevauchées, loin de celui de la ville et des bars de nuit. Ce sont des architectes paysagers, des passeurs de montagnes sonores. Au piano mélodieux ou furieux de Martin Tingvall  se mêlent les délicatesses d’une incroyable justesse et profondeur de la contrebasse d’Omar Rodriguez Calvo, magnifique, et l’époustouflant jeu à la batterie de Jürgen Spiegel simple et retenu ou roulant comme ouragan. Avec quelques touches d’humour, quelques accords tendres, de l’énergie débordante, du soleil ou de la mélancolie dans les esses de la contrebasse, un soupçon de thème folklorique de chez soi ou d’ailleurs, des frôlements délicats de balais, le trio est sans arrêt sur le fil du rasoir de la modernité ou du classicisme, porté par un beat roulant et avançant à perdre haleine. La mélodie se balade, rebondissant  sur l’archet vibrant ou sur les touches d’ivoire, la batterie se fait  chanson. Pas de ficelles, pas de trucs tout faits. Tout surprend. Jamais l’International Express ne tombe dans les précipices, il avale les  chemins et les vallées rien que pour nous. Un monde s’ouvre.
De fait, l’attention ne se dilue pas une minute, il y a toujours un petit sentier caché, une pierre folle qui brille, une phrase inattendue, une badinerie ou un clin d’œil amusé.
Happé par  l’atmosphère voyageuse ou onirique, le public attend la dernière note, le dernier silence à savourer pour applaudir. Le rappel sera aussi beau que le reste, un miraculeux « Mook », plein d’ardeur et une balade simple et épurée finissant sur deux notes légères.
Trois Echo Awards pour « Le groupe de jazz de l’année » et « Le concert de l’année » en Allemagne, quatre Jazz Awards respectivement pour la vente de plus de 10 000 disques pour leurs quatre albums : « Skagerrak », « Norr », « Vattensaga » et « Vagen » nous remémorent s’il en était besoin la qualité exceptionnelle de ces trois musiciens à découvrir d’urgence.
On aurait pu être plus nombreux à monter dans l’International Express de Tingvall trio et à se laisser embarquer, mais peut importe, le voyage fut beau, jamais futile, plein d’images musicales et superbes.
Pour une fois j’ai presque manqué de mots pour le dire…

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Merci à Christian Coulais pour les photos «  à l’arrache »  au téléphone portable.

http://www.tingvall-trio.de/

https://www.lerocherdepalmer.fr/

Plein phare entre les deux tours (2/2)

Par Fatiha Berrak, photos Thierry Dubuc

La Rochelle, le samedi 08 Octobre 2016

Rémy Béesau Quintet

Rémy Béesau       : Trompette

Pierre Maury        : Saxo ténor

Edouard Monnin : Piano

Pierre Elgrishi      : Basse

Vincent Tortiller  : Batterie

Nous voilà revenus pour le dernier soir du «Festival Jazz Entre les Deux Tours » où le public est reçu de manière chaleureuse et très conviviale par l’ensemble des bénévoles pour l’apéro jazz quotidien dès 18H30. En même temps la musique est présente avec ce soir, Hélène Fayolle au chant et à la guitare, Romain Deruette à la contrebasse et BrunoTredjeu à l’harmonica. L’ambiance sera Jazz Folk pour commencer cette soirée. C’est le moment des retrouvailles pour certains et des présentations pour les autres, ici personne n’est laissé de côté …

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Il est 20h15 précisément, les portes de la jolie salle de 300 places s’ouvrent. Chacun est installé, lorsque résonne une trompette qui nous raconte le levé du jour, d’abord tambour battant dans un grand parc, un beau matin d’automne frileux, où les éléments se déchainent dans la lumière timide d’un soleil qui persiste et enfin flamboie. L’heure est à la faune qui côtoie la ville mais reste aux aguets et soudain disparait … La cité approche, les rues s’entrelacent, s’illuminent, au loin les talons courent se pressent et les chats de gouttière dans la rue détalent comme on décoche une flèche  …

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Comme bon nombre de jeunes musiciens heureux de rejoindre la capitale pour y parfaire leur art, Rémy raconte aussi à travers son expression parfois une certaine nostalgie de son ile de ré, ou l’adolescence est encore proche … Le souvenir de ses yeux rêveurs, jetés au loin sur le miroitement d’une eau vaste. C’est une âme sensible voir romantique, une trompette qui ne trompe personne dans sa classe et sa générosité. Rémy est un jeune homme attachant comme sa musique.

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Il partage ce projet dans la joie et la complicité évidente avec son groupe d’amis, tous anciens élèves du Centre des Musiques Didier Lockwood.

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Céline Bonacina Crystal Quartet

Céline Bonacina : Saxophone baryton

Chris Jennings   : Contrebasse

Asaf Sirkis           : Percussions

Marko Crncec     : piano

C’est en compagnie d’une étonnante dame au saxophone baryton et de sa formation du moment que se déroule la clôture du festival.

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Entre force et douceur à chacun sa couleur, Céline Bonacina est une artiste singulière avec cet instrument presque aussi grand qu’elle. Lorsque son dynamisme naturel surgit elle laisse entrevoir un caractère joyeux à l’humour aiguisé autant que sa façon de canaliser cette énergie à travers son instrument impressionnant. Elle envoie du cuivre qui décoiffe et vous chauffe le cuir ! Du reste madame n’en perd pas sa féminité c’est sûr elle assure …

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Quant à Asaf Sirkis, lorsqu’il lâche ses battements affolés qui vous appellent et s’éloignent pour mieux vous revenir, ils s’approchent et vous frôlent, vous touchent pour mieux vous retenir, sur un rythme calmé et apaisé qui se fait discret, vous capte et disparait … A vous de rester là assis en attente, car on ne sais jamais. Céline Bonacina l’accompagne avec une envolée en balade sans nul doute nous y sommes tous sur les routes et loin de chez nous …

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Puis vient le moment pour nous de recevoir ou de traverser un petit cyclone comme le précise la dame au baryton. Ouf ! c’est passé et ce n’est pas faute d’avoir été prévenu !!! Nous en sommes tous restés époustouflés.

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Tiens ! Un piano seul approche, il parsème ses notes comme des gouttes de pluie passées au tamis et plonge dans le bleu béant, là où tout s’unit se mêle se confond dans l’ampleur de l’espace, c’est un big-bang qui s’éteint dans la course d’une étoile filante, lente …

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Cette poussière d’étoile venue de Scandinavie s’est prise dans les cordes d’une contrebasse pour nous chuchoter les flocons immaculés, les murmures du vent frais, la chaleur d’un foyer, sur une terre pleine de charme de tendresse garante d’un amour ravissant …

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Plein phare entre les deux tours (1/2)

Par Fatiha Berrak, photos Thierry Dubuc

La Rochelle, le vendredi 07 Octobre 2016

1ère partie : Tom Ibarra Groupe

Tom Ibarra : Guitare et composition

Pierre Lucbert : Batterie

Jean-Marie Morin : Basse

Christophe De Miras : Clavier

Nous sommes au «Festival Jazz Entre Les Deux Tours» dans sa 19ème édition. Il y a des ponts qui convergent et viennent se nicher ici Espace Bernard Giraudeau, pour partager l’histoire d’un soir les fruits de leurs éclosions musicales et oui, comme un bonheur n’arrive jamais seul, ce soir deux jeunes rameaux qui s’épanouissent à leur manière sont mis à l’honneur …

D’abord il y a Tom Ibarra Quartet, coup de coeur du festival et pour cause …

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Tout juste 17 ans compositeur et virtuose de la guitare, endorsé (Ibanez Guitars, Roland & DV Mark) allié à ses attachants compères et formidables musiciens eux aussi. Pierre Lucbert aux tous frais 20 ans, à la batterie, endorsé (Yamaha), Jean-Marie Morin à la basse et Christophe De Miras au clavier.

Ce soir Tom pousse plus loin encore ses limites pour donner davantage de consistance à son jeu, du relief et de la profondeur viennent auréoler un style déjà bien affirmé.

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Qu’il se pose la question ou non, Tom connait son chemin, perçoit sa destination. Il avance pas à pas comme chaussé de bottes de sept lieux, nous mène par le bout du coeur et de l’oreille dans son sillon et pense à dire au passage « thank you Bob » (hommage à Bob Berg) … C’est un hommage qui en appelle un autre avec un « So What » personnel et éclatant en voix de guitare pour dire à sa façon, respect Monsieur Davis. Lorsque soudain, arrive un magnifique orage accompagné de ses éclairs pour un solo batterie de Pierre Lucbert.

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Plus rien ne bouge, jusqu’a ce que surgisse au détour d’un chemin, « Monsieur chat » dans toute sa splendeur fier et élégant il daigne tout de même nous accorder son félin regard avant de prendre la poudre d’escampette pour se jeter aux bras de la douce et tendre « Mona » qui ne rêve que d’une lointaine « Exotic city »…

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  • Question
  • Thank You Bob
  • So What
  • Solo batterie
  • Mr Chat
  • Mona
  • Exotic City

2ème partie : Panam Panic Featuring Beat Assailant

Robin Notte : Fender Rhodes – Piano

Max Pinto : Sax ténor

Julien Alour : Trompette – Bugles

Julien Herné : Basse

Aurélien Lefebvre : Batterie

Adam Turner (Beat Assailant)

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De quoi vous tenir éveillé toute une nuit sans caféine avec une telle équipe ! Soudée comme un seul homme dans un alliage à la fois souple et résistant qui partage maintes influences musicales, dont Jazz Funk, Groove, en passant par le Rap qui s’invite en beauté !

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Ce soir toutes ces sonorités se mêlent avec soin dans une composition générale absolument chatoyante aux extraits de calme vif et de vif éclatant. Nous sommes dès le début propulsés dans un drôle de vaisseau au rythme d’une trompette lumineuse et aérienne qui tranche dans le vif du silence, soutenus par un sax qui nous plaque et nous charme totalement. Maintenue suspendus pour le reste du concert où le clavier souffle la pluie et le beau temps. Il est clair que le soleil n’a pas voulu se coucher ce soir et nous non plus !!!

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« le langage de la batterie jazz » par Guillaume Nouaux

par Philippe Desmond.

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C’est bien beau de sortir le soir pour écouter du jazz mais ça finit pas écourter vos nuits. Alors aujourd’hui ce sera jazz le matin mais pas un concert, une conférence ou une master class, celle de Guillaume Nouaux sur « le langage de la batterie jazz ».

Nous sommes au Music Workshops un ancien magasin de musique bordelais transformé en école de musique et plus particulièrement de batterie, animée par les batteurs Julien Trémouille et David Muris mais aussi par Rija Randrianivosoa, professeur de guitare au CNR. Le lieu héberge aussi le luthier Omar Amal. Une vingtaine de personnes dont de tous jeunes batteurs est là pour écouter parler et heureusement jouer, le fantastique musicien qu’est Guillaume Nouaux. Sa batterie artisanale fétiche, une ART, siglée GN est là qui nous attend, la conférence sera donc illustrée.

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Guillaume en plus de ses qualités musicales est un érudit de son instrument et de la musique qui va avec. Très attaché à son histoire qu’il juge indispensable pour le pratiquer au mieux c’est aussi un passeur de message et ce n’est pas la première fois que j’ai la chance de le voir pratiquer cette activité.

Son premier geste en se mettant aux baguettes est d’enlever ses chaussures- je l’avais déjà remarqué lors de ses concerts – le toucher des pédales lui étant ainsi « plus confortable et aussi sensuel ».

Il va durant près de deux heures nous expliquer la naissance de la batterie, concomitante avec celle du jazz et réciproquement. Tous les éléments ou presque existent déjà dans les fanfares ou les orchestres classiques : la grosse caisse, les cymbales, les tambours et même la caisse claire vers 1850. L’assemblage du tout avec l’adjonction des toms, formes dérivées des tam-tam africains, va à l’image du jazz lui-même être influencé par toutes les parties du monde. Cymbales chinoises (au bord relevé) , turques (coniques) voire grecques… L’apport des esclaves noirs est décisif dans la naissance de la batterie. Guillaume nous raconte que pour avoir la paix sociale le Maire de New Orleans, port d’arrivée de ces pauvres malheureux – leur a généreusement octroyé le dimanche et que ceux-ci en profitent pour jouer de la musique – à Congo Square – avec tout ce qui leur tombe sous la main et notamment des percussions, apportant le rythme à une musique alors assez sage.

Une étape décisive est en 1909 l’invention par la marque Ludwig de la pédale de grosse caisse qui permet ainsi à une seule personne de jouer . Avantage économique aussi, une personne à payer au lieu de trois ! Jusque là un batteur pratiquait éventuellement le double drumming en tapant sur la grosse caisse avec les baguettes.

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Double drumming

Parallèlement les blancs jouent du ragtime ou du stride et petit à petit la batterie va s’imposer et faire naître le jazz New Orleans et donc le jazz. Il cite pour le style de groove NO, Baby Dodds un des premiers vrais batteurs, Zutty Singleton, puis plus récemment Herlin Riley ou Vernell Fournier batteur d’Ahmad Jamal ; tous des batteurs de NO réel berceau de l’instrument et d’une façon d’en jouer. La crise de 29 fera partir les musiciens vers les grandes villes, Chicago, NYC et ainsi propagera le jazz. Entre temps le hi-hat ou charleston viendra, après plusieurs prototypes peu commodes, compléter l’arsenal des batteurs.

Tout ce matériel il s’agit de bien s’en servir et Guillaume souligne l’adéquation entre le style de jazz et l’utilisation « de bon goût »de certains éléments et moins d’autres.

Arrivera Jo Jones et l’invention du « chabada » ou la cymbale devient prépondérante pour marque le temps au be-bop notamment. Il parle du shuffle, de l’influence des rythmes latinos, de l’accointance avec le rock et le rythm’n blues…

Tous ses propos sont illustrés d’extraits musicaux mais surtout – quel bonheur ! – de démonstrations à la batterie de tous les styles évoqués. Guillaume est capable de vous restituer le drumming de n’importe quel batteur, ou presque, en vous expliquant en même temps ce qu’il fait ; lumineux. Sa maîtrise de l’instrument est absolue et on voit qu’il aime partager sa culture. Vraiment un très beau moment.

Il a un avis très précis sur le rôle du batteur, qui doit mettre en valeur ses collègues mais aussi savoir se mettre en avant au bon moment. Un batteur peut rendre le concert bon mais aussi le rendre mauvais…

Dernier conseils pour les jeunes qui sont là : pour progresser penchez vous sur l’histoire de l’instrument l’évolution de ses styles, le pourquoi de cette évolution, son comment, et là vous pourrez peut-être apporter votre propre influence, sinon vous ne serez que des clones.

On sent qu’il aurait encore pu parler pendant des heures et nous l’écouter autant.

Il me remonte un souvenir ; il y a maintenant bien longtemps dans le but de faire de la planche à voile j’avais lu un guide d’apprentissage et je me souviens qu’en le refermant je m’était dit « super ! j’ai tout compris ». Aujourd’hui cela me fait la même impression. Mais je me souviens aussi que j’avais déchanté en tentant de rester simplement debout sur ce gros bout de plastique agité par les flots et le vent. J’ai bien peur d’avoir la même désillusion tout à l’heure en m’asseyant sur mon tabouret, baguettes à la main…

http://www.guillaumenouaux.com/

http://musicworkshops.fr/